Titre de la communication :Rôle et place des savoirs endogènes dans la sauvegarde des écosystèmes marins et côtiers à Joal-Fadhiouth (Sénégal)
Les savoirs endogènes occupent une place importantes dans la réflexion autour de la
problématique de la conservation des écosystèmes marins et côtiers. Malgré, des efforts en
termes de mesures de conservation, la capacité de résilience de ces milieux est remise en
cause.
En effet, au Sénégal et notamment à Joal-Fadhiouth, la forte convoitise exercée sur ces
espaces continue de laisser une empreinte indélébile sur la santé des écosystèmes mais
également sur le tissu socio-économique du pays. La croissance continuelle de la population
et sa concentration progressive exacerbe les enjeux environnementaux, favorise des pressions
de tous ordres aux incidences majeures sur les écosystèmes marins et côtiers, mais aussi sur le
développement socio-économique.
Notre proposition s’inscrit dans la logique des trames verte et bleue (TVB) dont la démarche
vise « à maintenir et à reconstituer un réseau d’échanges pour que les espèces animales et
végétales puissent, comme l’homme, circuler, s’alimenter, se reproduire, se reposer… et
assurer ainsi leur cycle de vie ». En effet, ce résumé présente une partie des résultats du projet
ARTISTICC 1 qui a pour objectif d’analyser les approches parmi lesquelles la connaissance
peut être utilisée pour mieux comprendre les adaptations des communautés côtières face aux
changements climatiques. A Joal-Fadhiouth, il s’agit d’analyser les changements observés
1 Adaptation Research, a Trans-disciplinary transnational community and policy centered approach
dans la gestion des ressources naturelles (causes de vulnérabilité, les limites dans les
stratégies de gestion et d’adaptation, efficacité ou pas de la réglementation et la place dédiée
aux savoirs endogènes dans ce processus). Il a été question d’analyser les mécanismes de
gestion traditionnelles mis en place, les capacités humaines dont disposent les instances
reconnues par les communautés et qui sont encore assez faibles.
Pour ce faire, nous avons interrogé la gestion traditionnelle de ces milieux par et pour les
communautés côtières. Autrement dit, il s’agit d’appréhender si leur rôle et place sont
réellement considérés dans mécanismes de gestions.
Les données utilisées proviennent d’enquêtes de terrain réalisées en novembre 2014 et mars
2015, au sein de la communauté de professionnels de la pêche artisanale à Mbour et à Joal-
Fadhiouth. Les entrevues s’adressent particulièrement aux pêcheurs (actifs et retraités), aux
femmes transformatrices de poisson et collectrices de mollusques, mais aussi à d’autres
acteurs issus de la sphère associative (GIE) et institutionnelle (Conservateur de l’AMP,
président du comité de gestion de l’AMP). Des entretiens spécifiques ont été accordé au « roi
de la mer » et au géni protecteur de la mangrove du site de « Fassanda ».
L’adaptation étant difficilement réductible à une approche quantitative, la démarche
analytique de la théorie ancrée ou Grounded Theory de Jean-Pierre Olivier de Sardan (1995,
1998) a été choisie car étant appropriée pour analyser les données tirées des entrevues. Les
résultats obtenus mettent en exergue la synergie entre les savoirs scientifiques et les savoirs
émics (locaux) pour le développement d’un dialogue équilibré selon l’expression de (Blaikie
& al, 1997).
Les résultats obtenus montre que les volets cultuel et culturel sont présents dans toutes les
activités socio-économiques avec des différences notables selon l’ethnie. Un état des lieux sur
les aspects socio-culturels et traditionnels dans la pêche est faite avec l’aide d’une personne
ressource de Joal. Sur ce point, nous retenu qu’ils existe des formes traditionnelles de
régulations sociales basées sur l’appartenance matriarcale et qui définissent les rapports à
l’espace et à la ressource. Aussi, des formes d’usages et de conservation avec l’adoption de
pratiques sélectives (régulation ou interdictions), sacralisation de certains sites sont bien pris
en compte par la conservation moderne. Les entretiens révèlent des pratiques propres au
terroir, très vivaces, à Joal et à Fadiouth. Les pratiques mystiques s’imbriquent à des rituels
religieux plus conventionnels assurant d’une certaine manière l’acceptation de ce corpus
social. Cependant, la science s’impose désormais face à ces pratiques cultuels.
Références :
1. Blaikie, P., Brown, K., Stocking, M., Tang, L., Dixon, P. & Paul S., 1997. Knowledge in
Action : Local Knowledge as a Development Resource and Barriers to its Incorporation
in Natural Resource Research and Development. In Agricultural Systems, Vol. 55, No 2,
pp. 217-237. Cité par Aubin M., 2011. Les savoirs locaux : un outil pour mieux
comprendre les impacts sociaux des changements environnementaux
2. Cissé, A. T et al. « Systèmes de croyances Niominka des ressources naturelles de la
mangrove». International Symposium Tropical Forests in a Changing Global Context
Royal Academy of Overseas Sciences United Nations Educational, Scientific and
Cultural Organization Brussels, 8-9 November, 2004 pp. 307-332.
3. De Sardan J.-P. O., 1998. Émique. In: L'Homme. Tome 38 n°147. pp. 151-166. doi :
10.3406/hom.1998.370510.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-
4216_1998_num_38_147_370510
4. De Sardan J-P. O., 1995 « La politique du terrain », Enquête [En ligne], mis en ligne le 10
juillet. URL : http://enquete.revues.org/263 ; DOI : 10.4000/enquete.263
5. Sidibé I., « Un territoire littoral dans l’espace politique, économique et religieux du
Sénégal », Espace populations sociétés [En ligne], 2013/1-2 | 2013, mis en ligne le 20
octobre 2016, consulté le 15 septembre 2023. URL :
http://journals.openedition.org/eps/5415